Marion Tampon Lajarriette s'intéresse à l'image et ses liens avec la mémoire et la pensée. Elle puise dans tous les registres de représentation de l'image, qu'il s'agisse d'image fixe ou d'image mouvement.

Jouant des multiples outils de la culture numérique contemporaine, l'artiste s'insère dans ces systèmes de représentation pour en dégager des états psychiques et  déterminer comment les images hantent notre rapport au réel.

« Il faut imaginer l'artiste comme une fourmi découvrant sous ses pas, sans recul, la surface granuleuse des images, ou alors comme une taupe forant des galeries dans toute leur épaisseur virtuelle. Ici, «virtuel» n'indique pas l'horizon d'une puissance de clonage indéfinie, ni la résorption du réel dans son signe, mais les ressources offertes par les franges ou les dessous de l'image, qui sont aussi les zones de communication secrètes de la mémoire.
On peut chuter dans une image (Les Spectateurs, Le Somnambule), ou alors déambuler en elle (îles / elles), fouiller sa surface à la faveur d'un travelling sans fin qui finit par ne plus se distinguer d'un long mouvement sur place, d'une espèce de reptation de l'image en elle-même (Erehwon)... Il y a dans ces circulations quelque chose d'à la fois étrange et évident."

Elie During, 2012
 
Marion Tampon-Lajarriette travaille à partir du cinéma non pas pris en tant que réserve fictionnelle mais comme moyen de produire des images. En  se détournant résolument de l'emprise scénaristique, elle opère un geste d'abstraction.
 
Vu comme objet spacio-temporel, le film pré-existant est ainsi réduit à un registre de formes : cadrage, regard caméra, mouvement de caméra, défilement des images, montage, décor. Ses interventions déconstruisent l'image (remontage, décadrage, incrustation, reconstitution). De la sorte, l'artiste autonomise certains éléments pour construire une ouverture sur le hors-champ de l'image.
Elle s'intéresse également au rôle du spectateur dont l'attitude agit sur la portée des images.
 
Dans  Manderlay  (2007), elle opère sur la complexité du décor en le retraversant par une succession de tableaux filmiques. Avec quelques photogrammes tirés de Rebecca (Alfred Hitchcock) qu'elle fait glisser dans une chorégraphie savante, le château de Manderlay devient une maquette mouvante et extensible. Le dispositif perturbe le déroulement de la fiction, créant une mise à distance du spectateur. Curieusement, ce ne sont pas les personnages qui entrent en scène, mais le spectateur qui les découvre dans leur suspens. Parfois même, l'image écran se fend par le milieu pour lui  laisser le passage.
 
Dans Caméra 1 Plan 8  (2008 ), Marion Tampon-Lajarriette analyse les mouvements de caméra. Elle ne garde de la dernière scène du film La Corde (Hitchcock) que la bande-son et les déplacements de la caméra qu'elle applique à l'image d'un océan de synthèse. Image pure et irréelle qui remplace le décor d'un appartement bourgeois. Elle joue ainsi à deux niveaux sur le concept de déplacement et réalise une véritable abstraction du mouvement qui, isolé de son référent narratif, ouvre sur un ailleurs.
 
Ouvrant d'autres espaces temps possibles, d'autres modes de navigation, l'artiste invite parfois le spectateur à jouer le rôle d'observateur ou de caméra. Ainsi de la vidéo interactive La Visionneuse où le joystick mis à la disposition du spectateur l'invite à mettre en place le déplacement du regard caméra. Dans Chaque fois que j'y pense, elle invite le spectateur à arpenter les images panoramiques extraites du Mépris de Jean Luc Godard. Le spectateur se perd dans l'image, comme les protagonistes dans le film.

L'artiste crée des ponts entre des films différents.  La Passerelle  met face à face les personnages féminins de Prima della revolution de Bertolucci (1963) et Les amants réguliers de Garell (1968). Des regards mis face à face dans un temps étiré, au bord du photographique.
 
Poursuivant ce travail d'exploration des procédures cinématographiques, Marion Tampon-Lajarriette a créé une oeuvre en s'inspirant de La Jetée de Chris Marker. Un film photo-roman  entièrement construit sur la force des images-souvenirs. Elle fait à son tour un acte de retour en arrière en re-filmant plan par plan la scène centrale de rencontre au Museum d'Histoire Naturelle. Au diaporama noir et blanc du film se substituent des plans vidéos aux couleurs évanescentes et à l'immobilité hésitante. Un face à face se crée et dévoile l'incertitude des frontières entre les pôles de l'Homme et l'animal, le mouvant et l'immobile, le vivant et le mort, le passé et le futur, le réel et l'imaginaire, la mémoire et l'oubli, l'original et la copie,
 
Dans son exploration de l'image fixe, l'artiste décrypte le rapport autoritaire de la dénomination de l'image. Dans Légendes, elle crée des posters avec des légendes prises dans des articles de presse qu'elle place directement sur les photos de presse y afférent. Les lettres du  message  jouent à la fois le rôle de cache et de fenêtre sur l'image.
Dans la série Diptyques, elle part de photographies amateur, prises comme modèle de composition. Ici le hasard est remis en scène et une ambiguïté chronologique s'installe entre les deux photos. Une mise à mal du caractère « souvenir-preuve » de la photo.